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La literie de France dans tous ses états

31 octobre 2015 par Eric LOMBARDI

Le 20 octobre dernier, le journal « Les Echos » annonçait l’entrée du groupe portugais Aquinos dans le capital de Cauval Industries propriétaire des marques de literie Dunlopillo, Simmons et Treca. Au terme d’une augmentation de capital, le lusitanien va injecter 25 millions d’euros dans une filiale commune qui reste à créer. Cet apport de fonds représente une véritable bouffée d’oxygène pour la trésorerie exsangue d’un des principaux fabricant français de literie et tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Cauval n’avait aussi indiqué :

A terme, Aquinos «  bénéficiera d’une option pour prendre l’entier contrôle du groupe » – Cauval

Cette annonce a aussitôt semé le trouble au sein du landerneau du meuble, et le gratin n’a pas tardé à agiter le spectre de la fine fleur de la literie française passant sous pavillon étranger. Nous allons essayer de comprendre les enjeux, présenter les protagonistes et tenter d’envisager l’issue d’une telle alliance.

Qui est Aquinos ?

Le groupe Aquinos est situé à Sinde, dans la moitié nord du Portugal. Il emploie 2 000 salariés qui produisent literie et canapés dans des usines exclusivement locales. Il génère 125 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est l’un des principaux fournisseurs de canapés du géant Ikea pour le sud de l’Europe.

Cauval industries génère 380 millions de chiffre d’affaire annuel. Le groupe contrôle les marques Treca, Simmons, Dunlopillo, Pirelli, Steiner, Sleepeezee, Trump, Pullman et Gommapiuma. Il emploie dans le monde 2800 salariés dont 1800 en France et possède des usines en France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Chine et Pologne.

Les enjeux

Les enjeux sont de deux ordres, politiques et économiques. L’industrie du meuble français est moribonde et la délocalisation d’un de ses derniers fleurons en péninsule ibérique fait peur. Bien qu’aujourd’hui la notion d’entreprise nationale ait largement fait place à celle d’entreprise européenne ou de production mondialisée, le politique met un point d’honneur à maintenir l’emploi sur le territoire, quelquefois à n’importe quel prix. En ce domaine, je suis certain qu’il n’est pas utile de s’inquiéter, les marques Dunlopillo, Simmons et Treca sont solidement implantées et doivent une grande partie de leur notoriété et de leur réussite à leur estampille tricolore. Le « made in France » a encore, quoi qu’on en dise, le vent en poupe et je suis certain qu’une grande partie des unités de production nationales demeureront, ne serait-ce que pour maintenir le volume de ventes. Le temps bien sûr que le marché subisse une crise supplémentaire et qu’il faille rogner sur les coûts.

L’enjeu économique est plus subtil et concerne la lutte pour le leadership des « trois gros » du marché, Ikea, Conforama et But. Si le géant suédois conserve la tête, les deux autres le suivent de très près et ont même vu ces deux dernières années l’écart qui les séparent se réduire. En 2014, Ikéa n’a dû d’égaler le chiffre d’affaire de l’année précédente qu’à l’ouverture de 2 magasins supplémentaires. Le marché de la literie, 1,19 milliards d’euros en France pour l’année 2014, représente pour ces entreprises un enjeu colossal. Conforama a su développer avec succès sa propre ligne «Nightattitude», il semble que But ait plus ou moins essayé de capturer Cauval à moindre frais l’année dernière sans y parvenir. Ikea pourrait alors, surfant sur les relations actuelles avec Aquinos, récupérer l’exclusivité sur certains modèles ou du moins négocier un approvisionnement privilégié. De là à écarter définitivement de la course la chaîne But qui vend tout de même 25% de la production de Cauval, il n’y a qu’un pas.

Il reste à évoquer le coup de génie des deux fondateurs du groupe, Gilbert Wahnich et l’avocat Gilles Silberman. On aurait pu les croire incompétents d’avoir laissé DIVA mourir à petit feu, victime d’une concurrence asiatique non anticipée, et d’avoir laissé le groupe au bord du dépôt de bilan. On aurait pu croire aux nombreux plans de sauvegarde, à la nécessité d’une casse sociale, aux renégociations et échelonnement des dettes, aux pouvoirs publics en première ligne, tout ça « pour sauver des emplois ». Au final, tout ce beau tapage n’aura servi qu’à rendre la mariée plus belle, vendre TRECA à la Chine et le reste du groupe au Portugal, laissant tout ce beau monde se débattre pour survivre. Bon, vous me direz qu’on ne peut pas gagner de guerre sans laisser quelques cadavres sur le bord du chemin. Ce qui me dérange, c’est que cette guerre n’aura servi que quelques-uns.


1 Commentaire »

  1. DENESLE dit :

    Bonjour,

    Nous sommes le 2 mars 2016 et l’horizon s’est soudainement assombri.
    En effet, depuis deux jours, l’ensemble des usines du groupes ont déposé leur bilan, treize au total.
    Pour l’une d’entre elles, la CIPAL, il n’y a pas eu de sursis puisque mise en liquidation d’office.
    Tout ceci pourrait être la conséquence directe du retrait unilatéral d’AQUINOS, mais, comme dirait l’autre, je suis convaincu que la vérité est ailleurs.
    Je suis salarié de DIVA France, usine spécialisée dans la fabrication de canapés convertibles. Depuis plusieurs années, l’actionnaire n’a de cesse de la considérer comme sa poubelle. Ainsi, dès que l’occasion lui était offerte, il y recasait ses « dossiers gênants »: absorption de ITA, CAVEL et STEINER, suite à la liquidation de Confort et Système, l’usine de Severac le château, afin de justifier le reclassement d’une centaine de salariés de Bar-sur-Aube, l’usine Atmosphère Intérieur. Puis, ce fut au tour de cadres venant de DUNLOPILLO, soit disant pour construire une offre literie chez DIVA, loin de son métier et savoir faire. Dans la foulée, absorption de TREVAL avec ses salariés et son outil.
    Enfin, depuis quelques mois, ce sont les chefs de marchés « siège » pour la grande distribution qui apparaissent dans les chiffres de l’entreprise DIVA France.
    Notre actionnaire se refusant de dépenser le moindre Euro qu’il n’a pas pour un plan social qui aurait limité la casse humaine aujourd’hui, a sans doute pensé que DIVA était la meilleure solution pour débarrasser la CAUVAL et rendre la mariée plus belle avant cession.
    On ne m’otera pas de l’esprit qu’AQUINOS n’était qu’ un faire valoir, un pantin, au même titre que les hommes de pailles placés par l’actionnaire pour faire illusion, comme l’ex-PDG d’IKEA, remunéré pendant des mois à lire l’Equipe au siège de Torcy.
    Des écrans de fumée, placés face aux pouvoirs publics, lassés de discuter avec un interlocuteur jugé peu fiable, mais qui va, au final, arriver à ses fins, en roulant tout ce petit monde dans la farine.
    Se refusant depuis longtemps donc à sortir le moindre Euro pour dégraisser la bête malade, il vient d’abattre son dernier atout en prétextant le retrait d’AQUINOS, sous un prétexte auquel personne ne croit et en a profité pour déposer le bilan de l’ensemble du groupe, faisant désormais peser sur la collectivité le coût de la casse sociale.
    Pour notre part, chez DIVA France, il n’y a plus grand espoir. Alors que les comptes étaient à peine équilibrés il y a quatre ans avec 30M€ de CA et 200 salariés, nous réalisons tout juste 25M€ de CA aujourd’hui mais avec 350 salariés inscrits dans les comptes! Une masse insupportable qui va nous emporter, sous l’œil amusé d’un patron qui va atteindre son objectif: se débarrasser du pôle siège.

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