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Le cabinet érotique de Catherine II

3 août 2015 par Eric LOMBARDI

Attention, cet article comporte des images sexuellement explicites

Une histoire raconte que durant la seconde guerre mondiale, un groupe de soldats soviétiques se trouve à 25 kilomètres au sud de Saint-Pétersbourg dans la ville de Tsarskoïe Selo, ancienne résidence d’été des tsars. Cette escouade, dont la légende dit que le membre le plus âgé avait 24 ans, découvre une salle étonnante dans le palais impérial ravagé par les combats. La chambre, certains témoignages disent qu’il y en avait en fait cinq, comporte un mur entièrement tendu de phallus en bois de différentes formes et contient aussi du mobilier, chaises, fauteuils, tables et bureaux, décorés d’images pornographiques. Loin de penser à piller les lieux, ces jeunes combattants ne prennent que quelques photos de meubles et de la décoration.

Photographie du guéridon du cabinet de Catherine II

Photographie du guéridon du cabinet de Catherine II

Fauteuil du cabinet

Fauteuil du cabinet

Photographie d'une des chaises

Photographie d’une des chaises

Cette chambre, la décoration et le mobilier ont disparu et beaucoup, dont la position officielle de l’état russe, nient jusqu’à son existence. Beaucoup de spécialistes pensent que la collection aurait été détruite en 1950 lorsque les staliniens ont souhaité purifier la mémoire des Romanov de la « calomnie bolchévique ». Aujourd’hui, le mystère reste entier et demeure une bataille d’historiens. Qu’en est-il réellement et à qui attribuer cet étonnant cabinet ?

Enquête sur l’existence

Il existe des preuves photographiques et des témoignages qui confirment l’existence de ces chambres secrètes.

Les témoignages

Les témoins seraient au nombre de quatre :
– La fille nonagénaire d’un ancien gardien du palais a confirmé la présence de plusieurs pièces contenant des meubles, des peintures et des objets érotiques.
– Le récit de deux soldats de la Wehrmacht.
– Dans les années 90, Helmut Woditsch témoigne auprès de son fils Peter, réalisateur germano-belge de films. Eté 1945, Helmut, alors soldat du Troisième Reich, se trouve en captivité près de Tagermünde sur les bords de l’Elbe. Là, un autre prisonnier allemand survivant du siège de Leningrad en 1941 lui aurait montré des petites photos du cabinet érotique de Catherine II prises dans l’un des palais (N’oublions pas que Saint-Pétersbourg a porté le nom de Leningrad de 1924 à la fin du régime communiste). En 2002, Peter diffusera à la télévision un documentaire The Lost secret of Catherine the Great (Le Secret perdu de Catherine la Grande)

Il faut toutefois noter que le personnel de l’Hermitage, musée prestigieux de Saint-Pétersbourg, a certifié la réalité de peintures et gravures sur des petits objets, mais a toujours renié le mobilier.

Les documents

Un album de photographies du mobilier existe ainsi qu’un inventaire daté de 1939 mentionnant une collection d’objets érotiques appartenant à la famille des Romanov.

Détails de l'album photo du cabinet érotique

Détails de l’album photo du cabinet érotique

On sait aussi qu’il existait dans les années 1930, il en reste des preuves, un petit musée accessible à quelques visiteurs sélectionnés et triés sur le volet.

A qui l’attribuer ?

Le cabinet secret a immédiatement été associé à la tsarine Catherine II sous le seul prétexte qu’elle aurait montré un grand appétit sexuel.

Portrait de Catherine II la Grande (1729 - 1796)

Portrait de Catherine II la Grande (1729 – 1796)

La souveraine a réellement collectionné 21 ou 22 amants reconnus sur une période de 51 ans, dont les plus connus sont le médecin ORLOV et l’officier de la garde POTEMKINE. On ne peut pas vraiment dire que le chiffre soit excessif et représente une si grande performance. A l’époque, avant et même après, nombre de souverains ou de chefs d’état dépassent ou on dépassé largement la tsarine sur le compte des conquêtes amoureuses. On lui prête des mœurs et des pratiques dissolues, rumeurs malheureusement aussi tenaces que farfelues. On veut qu’elle ait passé en revue sa garde maintenue de force en érection. On pourrait le croire si la même légende n’était attribuée à Cléopâtre. On raconte aussi qu’elle serait morte après avoir eu des relations sexuelles avec un cheval, la machinerie utilisée pour cet acte s’effondrant sur elle sous le poids de l’animal. De nombreux témoignages dévoileront une vérité beaucoup moins romanesque et plus cruelle. Au matin du 17 novembre 1796, Catherine II va s’écrouler dans sa garde-robe victime d’un malaise cardiaque. On l’étendra sur un matelas à même le sol où elle agonisera pendant des heures. Alors pourquoi et que reproche-on exactement à Catherine II ? On lui reproche surtout d’être une femme, d’avoir avant l’heure assumé son corps et sa sexualité mais aussi d’avoir réussi à redresser la Russie, d’avoir gagné des guerres et conquis des territoires et ce, aussi bien qu’un homme.

Beaucoup d’historiens doutent fortement de l’appartenance à Catherine II et notamment un historien de l’art, spécialiste de la Russie, Emmanuel Ducamp. Il s’appuie tout d’abord sur le caractère prude et austère de Nicolas Ier, tsar de 1825 à 1855, qui n’aurait pas manqué de détruire ce qu’il aurait assimilé à des vecteurs du mal. De plus, rendant au passage la vie sentimentale de la tsarine beaucoup plus vertueuse, il évoque deux de ses successeurs Alexandre II (tsar de 1855 à 1881) et Alexandre III (qui lui succéda jusqu’à sa mort en 1894), aux vies sexuelles plus intenses qui auraient mieux correspondu à l’esprit du cabinet. Enfin, et c’est peut être le plus fort des arguments, il signale :

« … lorsqu’on les examine [les meubles photographiés], on leur trouve un esprit fin 19eme, notamment les sièges qui évoqueraient volontiers des créations Art Nouveau, apparu en Europe à partir de 1890, pour ne pas mentionner la sculpture, très éloignée de ce qui se faisait en Russie à la fin du 18eme siècle»

En haut, détail avant du dossier du fauteuil. En bas, un détail du dos du dossier.

En haut, détail avant du dossier du fauteuil. En bas, un détail du dos du dossier.


1 Commentaire »

  1. Vincent PERDRIX dit :

    J’ai vu les reconstitutions de ses mobiliers, aux premiers abords il n’y a rien de différent. Quand on y prête attention on comprend rapidement de quoi il s’agit. J’ai toujours le magnifique catalogue de l’exposition.
    Je me souvient notamment d’une table de ronde dont les pieds recourbés étaient en fait d’énormes sexes d’homme complet en érection.

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