Un peu d’histoire
Au XVIIIeme siècle, sous les règnes de Louis XV et Louis XVI, toutes les couches sociales sont dévorées par la passion du jeu. Si on joue dans les tripots aux dés ou aux « trois-cartes », la rue est le terrain du « bonneteau » ou des loteries ambulantes. Les cabaretiers installent au fond de leur gargote un jeu de billard et autorisent les joueurs à sortir les jeux de cartes, les paris favorisant la consommation d’alcool et de nourriture. Bien que les jeux d’argent soient interdits, les autorités ferment les yeux, attentives à maintenir la paix sociale et l’ordre public. A la cour, l’aristocratie se déchaîne. Après une triste fin de règne qui a vu Louis XIV, sous l’influence de Mme de MAINTENON, cesser fêtes et réjouissances pour se tourner vers la méditation et la prière, la noblesse souhaite s’amuser. Dans les salons, on joue au Pharaon, au tric-trac, les sommes engagées sont souvent considérables et les ruines nombreuses. On se remémorera la « faillite » de la famille des Rohan-Guéméné en 1782 avec un passif de 33 millions de livres et l’obligation d’abandonner la charge de gouvernante des Enfants de France, c’est à dire la charge d’éduquer les enfants du couple royal, dont le Dauphin . Si le jeu n’en est pas le seul responsable, tout le monde sait alors que l’épouse du prince de Rohan, Victoire Armande Josèphe de Rohan, tient le salon de jeu où les mises sont les plus importantes.
Le XVIIIeme siècle est aussi une ère de raffinement qui voyait un meuble inventé pour chaque activité de la vie quotidienne. C’est l’une d’entre elles que nous allons étudier, l’observation de ces parties endiablées et plus particulièrement des sièges spécifiques créés pour la favoriser. Les spectateurs de ces salons de jeux faisaient donc appel aux grands noms de l’ébénisterie pour fabriquer des sièges de grande qualité et adaptés à l’usage. Il est bon de noter que ces grands menuisiers ne manquaient pas d’estampiller leurs œuvres du nom de leur célèbre atelier, Gourdin, Jacob, Sené, Blanchard,… flattant ainsi l’ego de l’utilisateur et générant une certaine publicité.
Voyeuse ou Voyelle
La voyeuse est une chaise étroite, à l’assise en trapèze, équipée d’un haut dossier au sommet duquel se trouve une manchette rembourrée. Assis sur le siège à califourchon, les spectateurs de la partie s’accoudaient sur la manchette, la poitrine contre le dossier. Elle était réservée aux hommes.
Voyelle de dame ou Voyeuse à genoux
C’est une voyeuse basse à assise carrée de la forme d’un prie-Dieu. Les dames ne pouvant s’asseoir à califourchon, la voyelle de dame leur permettait de s’agenouiller et de s’accouder pour assister aux jeux.
Ponteuse
C’est une voyeuse dont l’accoudoir rembourré dissimule un espace de rangement pour jetons à miser. L’appellation provient du verbe « ponter » signifiant miser contre le banquier.
La Flamande
Il s’agit d’une voyelle à 3 pieds originaire des Pays Bas et de Flandre, d’où son nom. Elle est encore en usage de nos jours.
Fumeuse
C’est une ponteuse dont l’assise est ronde, sur laquelle on s’assoit à califourchon et dont l’espace dans la manchette est réservé à l’usage du fumeur, rangement du tabac, des pipes et des ustensiles.