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Petite histoire de la teinture du bois

21 novembre 2014 par Eric LOMBARDI

Aujourd’hui, la science et l’industrie nous offrent des teintures à bois d’une multitude de coloris et de finitions. Nos ancêtres qui ne profitaient pas de telles largesses ont développé des techniques pour créer des teintes nouvelles. Au temps où les teintures industrielles n’existaient donc pas encore, voici les méthodes, produits ou ingrédients employés pour teinter les bois selon la couleur désirée.

Il est nécessaire de préciser  que la teinte du bois était obtenue par trempage de 15 jours à 1 mois et toujours à froid.
Enfin, nous parlons ici exclusivement de teinte de bois, les effets de certains composant variant selon le support teinté. Le campêche donne par exemple une couleur rouge aux textiles alors qu’il va plutôt teinter le bois en noir.

Bois teinté en brun
Le brun était obtenu avec du brou de noix et de l’alun.

Brou de la noix

Brou de la noix

Brou de noix

Le brou de la noix est l’enveloppe verte qui entoure la noix. Cette enveloppe séchée et réduite en poudre, diluée dans de l’eau chaude, donne une encre brune. Très utilisé comme colorant en menuiserie, le brou de noix est souvent remplacé par de l’extrait de cassel, un pigment minéral extrait de lignite.

Cristal d'Alun

Cristal d’Alun

Alun

L’alun, minéral cristallin, est un sel d’aluminium et de potassium. Il est employé depuis l’antiquité pour ses nombreuses propriétés : Hémostatique, il stoppe les saignements des micro-coupures. L’alun coagulant les protéines, il a été utilisé par les tanneurs pour traiter les cuirs. Enfin, il a été utilisé comme mordant à teinture, c’est à dire comme fixateur. Les sels métalliques se fixent sur les fibres, capturent les pigments colorant, et stabilisent les couleurs dans le temps.

Bois teinté en noir
Dans une décoction de noix de galle et de campêche, un mélange était nécessaire selon les proportions suivantes:

  • 1 mesure de galle
  • 1 mesure de sulfate de fer
  • 6 mesures de campêche
Galle du chêne

Galle du chêne

Galle

La galle est une tumeur produite par un végétal suite à des piqûres d’animaux parasites, d’attaques de champignons ou de bactéries. Déjà en 2500 avant J-C, les égyptiens utilisaient l’encre métallo-gallique, encre noire fabriquée à partir de sels métalliques, le sulfate de fer, et de tanins d’origine végétale issus de la poudre de galle.

Arbre et bois de Campêche

Arbre et bois de Campêche

Campêche

Le Campêche est un arbre tropical pouvant atteindre 15 mètres de haut et dont le nom provient du port mexicain de Campeche d’où l’on embarquait, au XVIIe siècle, les bois de teinture pour l’exportation. L’espèce est commune en Amérique centrale et aux Antilles. Le campêche se distingue par un bois très dur et très lourd de couleur sombre et sa sève de teinte rouge foncée elle-même appelée campêche ou hématine.

Bois teinté en gris
Mélange avec les proportions:

  • 2 mesures de galle
  • 1 mesure de sulfate de fer

Bois teinté en rouge
Il fallait préparer un bouillon de bois du Brésil mélangé à de l’alun.

Bois du Brésil

Bois du Brésil

Bois du Brésil

Le Brésil est un bois exotique qui, séché et réduit en poudre, donne une base de teinture rouge. Dès le moyen âge, les vénitiens l’importaient d’Inde sous le nom de « Bois de braise », allusion à sa couleur rouge. « Braise », brasa en portugais, a donné son nom au Brésil, pays où cet arbre était très abondant. En ajoutant du sel à une infusion de bois on obtient une solution rouge vif. En présence de bicarbonate, la solution devient rouge bordeaux.

Bois teinté en jaune
Obtenu par un bouillon d’épine-vinette,de safran et d’ocre jaune ou bien une décoction à base de réséda des teinturiers.

Epine vinette

Epine vinette

Epine-vinette

L’écorce de la racine contient un alcaloïde, la berbérine, qui donne au bois de l’épine-vinette sa couleur caractéristique. On tirait de la racine une belle teinture jaune brillant utilisée pour teinter les étoffes, le cuir et le bois. L’arbuste a été éradiqué au 20ème siècle, arrêté de Juillet 1912, car c’est un maillon essentiel dans la propagation d’une maladie des céréales, la rouille noire du blé. Elle ne subsiste aujourd’hui plus qu’en montagne à l’état sauvage.

Fleur de Crocus avec les stigmates rouges

Fleur de Crocus avec les stigmates rouges

Safran

Le safran, c’est le pistil de la fleur de Crocus Sativus. Ce pistil est constitué de 3 stigmates rouges qui, une fois prélevés et séchés donnent « l’or rouge ». Ce nom provient certainement du fait qu’il faille environ 150 fleurs pour obtenir 1 gramme de safran sec. On retrouve des traces indiquant sa culture depuis 5000 ans, aussi bien dans des écrits chinois qu’égyptiens ou assyriens. La teinte obtenue varie du jaune au jaune-orangé dérivant vers le rouge en fonction de la quantité de safran utilisée. Toutefois, le rouge se dégrade rapidement pour donner une teinte jaune pâle. Note : en Asie du sud-est, la coloration au safran est souvent remplacée par celle au Curcuma.

Ocre jaune

Ocre jaune

Ocre jaune

L’ocre jaune est une argile pure dans laquelle on trouve un pigment minéral, la Goethite. Ce minéral, un dérivé de fer, est connu depuis la préhistoire, il a en effet été utilisé comme pigment jaune dans les peintures de la grotte le Lascaux.

Réséda des teinturiers

Réséda des teinturiers

Réséda des teinturiers

La Gaude ou réséda des teinturiers est une plante originaire du pourtour méditerranéen, cultivée en France principalement dans le Languedoc-Roussillon et autour de Paris. On tire des tiges et des feuilles une teinte jaune très résistante considérée comme la meilleure des teintures jaunes naturelles. Le réséda des teinturiers était aussi appelé l' »herbe des juifs » car elle a été utilisée du 13ème au 18ème siècle par les juifs du Comtat Venaissin, alors domaine pontifical, pour teindre en jaune les chapeaux qu’ils étaient obligés de porter.

Bois teinté en bleu
De l’antiquité à la renaissance, utilisation de feuilles de pastel des teinturiers qui pousse en Europe du sud est. Après la renaissance, il sera remplacé par l’indigotier originaire d’orient dont l’utilisation ruinera l’industrie du pastel dans le sud est. La teinte était obtenue par dilution d’indigo dans de l’acide sulfurique coupé d’eau en respectant les proportions : 30 grammes d’indigo, 122 grammes d’acide et 93 centilitres d’eau.

Pastel des teinturiers

Pastel des teinturiers

Pastel des teinturiers

Le Pastel des teinturiers ou guède est une plante originaire d’Asie Centrale et d’Europe du Sud-Est. Déjà utilisée par les Grecs et les Romains, elle fut largement cultivée en Europe au Moyen Âge et à la Renaissance pour la production de la fameuse teinture bleue extraite des feuilles. Son élaboration s’effectuait en trois étapes. Elle débutait par la récolte des feuilles et leur broyage dans un moulin. La pâte de pastel était ensuite mise à sécher puis écrasée et mise en boule à la main. Ces boules étaient nommées « cocagnes ». En début d’année, les cocagnes étaient réduites en poudre dans un moulin puis aspergées d’eau de rivière ou d’urine pour provoquer une « fermentation ». Cette mixture une fois sèche fournissait une poudre de couleur noire que l’on dissolvait dans l’eau pour former la teinture bleue.

Indigotier

Indigotier

Indigotier

L’indigotier est un arbuste exploité depuis plus de 4000 ans en Inde, au proche-orient et en Egypte. L’extraction du pigment indigo s’effectue après oxygénation, donc oxydation, du bain de fermentation des feuilles. Après la première guerre mondiale, une teinture synthétique, « l’indigo pur », a sonné le glas des derniers foyers de culture en Inde et à Java.

Bois teinté en vert
Toujours pratiques, nos anciens cherchaient systématiquement les solutions les plus simples. Le vert était donc obtenu par trempage dans une teinture bleue puis dans une jaune.


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